Fonds de solidarité FTQ - SOLIM

La commission Charbonneau a démontré que l’ex-directeur général de la FTQ-Construction Jocelyn Dupuis a usé de son influence pour obtenir ou tenté d’obtenir du financement du Fonds de solidarité ou de la SOLIM au bénéfice de personnes liées au crime organisé. Elle a aussi confirmé la grande proximité entre l’entrepreneur Tony Accurso et Jean Lavallée, le président de la FTQ-Construction qui siégeait au C.A. du Fonds et de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds.

La commission soutient la thèse, confortée par des témoignages et des écoutes électroniques, que l’accès au Fonds de solidarité était au cœur de la querelle électorale qui a opposé le clan Dupuis au clan Lavallée entre l’été 2008 et le printemps 2009.

Les écoutes électroniques ont confirmé l’existence d’un réseau d’influence à la SOLIM unissant Jean Lavallée, Tony Accurso, Guy Gionet et Denis Vincent.

Jocelyn Dupuis

« Je n’ai jamais été dans le crime organisé. » - Jocelyn Dupuis

Directeur général de la FTQ-Construction de 1997 à 2008. Il a reconnu avoir tenté d’obtenir du financement du Fonds pour Carboneutre, une entreprise dont son ami, le mafieux Raynald Desjardins, était le dirigeant occulte. M. Dupuis sera un temps PDG de Carboneutre après son départ de la FTQ. Il a aussi aidé le sympathisant Hells Angels Ronald Beaulieu à obtenir du financement du Fonds pour acquérir Pascal. C’est aussi par M. Beaulieu qu’il a rencontré le Hells Jacques « Israël » Émond. M. Dupuis a minimisé ses liens avec le Hells Normand « Casper » Ouimet, malgré des écoutes compromettantes. Celles-ci ont aussi démontré ses liens avec les mafieux Tony Volpato et Tony Suzuki.

Richard Goyette

« Je pouvais pas me présenter contre Lavallée sans l'accord, sans être sûr que Desjardins m'ferait pas de marde. » — propos de Richard Goyette rapportés par Michel Arsenault

Ami de Jocelyn Dupuis dans sa lutte contre le clan Lavallée, il lui succède au poste de directeur général de la FTQ-Construction en novembre 2008. Les écoutes témoignent des difficultés du trio Grondin-Dupuis-Goyette à faire en sorte que ce dernier obtienne un siège au Fonds en raison d’une résistance qu’ils attribuent à Michel Arsenault, Jean Lavallée et Tony Accurso. M. Goyette aurait par ailleurs avoué à M. Arsenault avoir demandé la permission à Raynald Desjardins pour briguer le poste de directeur général.

Rénald Grondin

« Comme dans le temps de Jimmy Hoffa. C'est en plein ça. » — Échange entre M. Grondin et Jocelyn Dupuis le jour des élections de 2008 à la FTQ-Construction

Le directeur général du local des manœuvres (AMI) était un proche de Jocelyn Dupuis à la FTQ-Construction et son allié lors de sa querelle avec le clan Lavallée. Les écoutes électroniques ont aussi démontré ses liens avec le Hells Angel Jacques « Israël » Émond.

Michel Arsenault

« Toi, signerais-tu un deal avec Vito Rizzuto, le vice-président d'une compagnie? Non. Bon, ben le Fonds ne signera pas ça. » - Échange entre Michel Arsenault et Gilles Audette, 22 février 2009

Michel Arsenault a présidé la FTQ et occupé la présidence du C.A. du Fonds (2007- 2013). Les écoutes témoignent des efforts de Jocelyn Dupuis pour promouvoir Carboneutre auprès du Fonds grâce à l’appui de M. Arsenault. Ils se solderont par un échec lorsque ce dernier découvrira, en février 2009, que le mafieux Raynald Desjardins est derrière cette entreprise.

Pressé par les médias qui s’intéressent à la même époque aux liens entre Denis Vincent et la SOLIM, Michel Arsenault s’alliera par ailleurs au PDG du Fonds Yvon Bolduc pour y faire un grand ménage, qui se soldera par le départ de Jean Lavallée et Guy Gionet. Des écoutes témoignent aussi de l’existence d’une certaine relation de confiance avec Tony Accurso, qui se garde cependant de tout lui révéler sur ses liens avec Denis Vincent.

Guy Gionet

PDG de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds de solidarité (2004-2009). Des écoutes électroniques montrent que Guy Gionet a aidé plusieurs amis de Jocelyn Dupuis réputés proches du crime organisé. Il a notamment rencontré le mafieux Raynald Desjardins en novembre 2008.

Il a aussi joué un rôle trouble dans le projet TIPI, qui a avorté après que Denis Vincent, proche des Hells Angels et de Jean Lavallée, eut réclamé 250 000 $ au promoteur Laurent Gaudreau. Il a aussi été impliqué dans un dossier de la SOLIM relié au sympathisant Hells Angels Ronald Beaulieu.

La commission a présenté de nombreux échanges téléphoniques entre MM. Gionet et Vincent en lien avec le dossier TIPI, mais aussi sur le grand nettoyage à la SOLIM qui lui coûtera finalement son poste de PDG. Les écoutes électroniques ont confirmé l’existence d’un réseau d’influence à la SOLIM unissant Jean Lavallée, Tony Accurso, Guy Gionet et Denis Vincent.

Jean Lavallée

« Johnny, son chien est mort, Tony ! ». – Michel Arsenault à Tony Accurso, 25 mars 2009

L’ex-président de la FTQ-Construction (1981-2008) a siégé aux C.A. du Fonds et de la SOLIM, le bras immobilier du Fonds de solidarité FTQ. Des témoignages et des photos indiquent sa proximité avec Tony Accurso, dont les entreprises ont bénéficié de l’aide de ces institutions. M. Lavallée sera évincé de la SOLIM au printemps 2009 lorsqu’éclatera le scandale Denis Vincent.

Des écoutes électroniques faites à l’époque et présentées récemment ont confirmé l’existence d’un réseau d’influence à la SOLIM unissant Jean Lavallée, Tony Accurso, Guy Gionet et Denis Vincent. L’enquêteur Michel Comeau a souligné que dans plusieurs dossiers de la SOLIM, M. Lavallée paraît désigner M. Vincent comme « courtier fantôme » auprès d’entrepreneurs. D’autres écoutes ont par ailleurs conforté la thèse de Ken Pereira, selon qui l’obtention d’un siège au Fonds aurait été au cœur de la lutte électorale entre les clans Dupuis et Lavallée en 2008-2009.

Clubs Med (Joe Borsellino et Jean-Marc Daigle)

Jocelyn Dupuis a exercé des pressions sur Guy Gionet pour qu'il investisse dans le projet du promoteur Jean-Marc Daigle. Ce dernier voulait obtenir du financement de la SOLIM pour rénover des Club Med. M. Dupuis présentera aussi Joe Borsellino de Garnier à Guy Gionet après l’avoir invité dans le projet. Le dossier sera repris en main par Richard Goyette après le départ de M. Dupuis, mais ne verra pas le jour.

Domenico Arcuri

« Ah ça, c'est des bandits purs, Domenico Arcuri » - Michel Arsenault Échange entre Michel Arsenault et son conseiller Gilles Audette, 22 février 2009

Président de Carboneutre (SICN), une entreprise qui a tenté d’avoir l’aide du Fonds grâce à l’intervention de Jocelyn Dupuis. Il a été aperçu 45 fois au café Consenza, repaire du clan mafieux Rizzuto, entre le 28 décembre 2004 et le 13 octobre 2006. Il a été vu remettre de l’argent à Nick Rizzuto senior. M. Arcuri était alors actionnaire de Construction Mirabeau, une entreprise qui a fait de la collusion à Montréal, selon des témoins. Il a obtenu l’aide de l’ex-ministre libéral Tony Tomassi pour Carboneutre. Son père était lié à la mafia.

Louis-Pierre Lafortune

« L’ami de monsieur Lafortune c’était Raynald Desjardins » - Ken Pereira sur une rencontre avec les deux hommes au Hilton, fin 2008, début 2009

L’ex-vice-président de l’entreprise Grues Guay (2005-2009) a été arrêté en novembre 2009 lors de l’opération Diligence menée pour contrer l’infiltration de l’industrie de la maçonnerie par le crime organisé. Il est proche du Hells Angel Normand « Casper » Ouimet, coaccusé dans Diligence, ainsi que de Jocelyn Dupuis. Le témoignage de Ken Pereira le relie aussi au mafieux Raynald Desjardins. Il est en attente de son procès.

Tony Accurso

« C'est assez que Tony (Accurso) et Johnny (Lavallée) gèrent le Fonds, c'est à peu près temps qu'ils laissent une partie du gâteau à nous autres, à moi pis à Jocelyn (Dupuis) » - Raynald Desjardins

Ses entreprises ont bénéficié de l’aide du Fonds et de la SOLIM pour leur croissance, une situation qui serait liée à sa proximité avec Jean Lavallée. Ceci avait d’abord été évoqué par Enquête, puis par Ken Pereira en commission, qui rapportait alors les confidences du mafieux Raynald Desjardins sur la lutte Lavallée-Dupuis en 2008-2009.

Des écoutes électroniques de 2009 ont confirmé l’existence d’un réseau d’influence à la SOLIM unissant Jean Lavallée, Tony Accurso, Guy Gionet et Denis Vincent. M. Accurso avait affirmé à Michel Arsenault qu’il n’avait jamais fait affaire avec M. Vincent et qu’il ne « veut pas faire affaire avec lui ».

Rapport de filature de la SQ

MM. Desjardins et Bertolo auraient vraisemblablement eu d’autres visées pour le Fonds que pour le seul dossier Carboneutre. Un rapport de filature de la SQ du 13 novembre 2008 témoigne d’une rencontre au restaurant Da Emma entre Raynald Desjardins, Joe Bertolo et Guy Gionet, PDG de la SOLIM. Jocelyn Dupuis admet les avoir mis en contact, mais nie se souvenir pourquoi.

Coup de pouce à la mafia (Suzuki-Volpato)

« Mon ami était Johnny Bertolo, Tony Suzuki était un de ses amis, et il m'a demandé de cheminer le dossier et je l'ai fait. » — Jocelyn Dupuis

Jocelyn Dupuis a reconnu avoir fait des démarches en 2008 auprès de diverses personnes du Fonds au profit du frère d'Antonio Pietrantonio, dit Tony Suzuki, un individu relié à la mafia. Il a aussi admis, après quelques problèmes de mémoire, avoir aidé un entrepreneur qui avait des problèmes avec ses travailleurs sur son chantier à la demande de Tony Volpato, relié à la mafia.

Raynald Desjardins

« Je viens de découvrir que Jocelyn Dupuis, que je pensais qu'il était le boss, c'est plus le boss : moi je pense que c'est Raynald Desjardins, le boss » - Ken Pereira

Ami de Jocelyn Dupuis et associé avec lui au sein de l’entreprise de décontamination Carboneutre, qui tentera d’obtenir de l’aide du Fonds. Relié à la mafia, un temps proche du parrain Vito Rizzuto, il a été condamné dans les années 1990 à 15 ans de prison pour importation de drogue. Il est maintenant en attente de son procès pour le meurtre de l’aspirant parrain Salvatore Montagna. Raynald Desjardins a aussi été aperçu en compagnie des Hells Angels Jacques « Israël » Émond et Normand « Casper » Ouimet dans le cadre de l'opération Diligence.

Il aurait aussi eu une influence directe sur la FTQ-Construction, selon l’ex-syndicaliste Ken Pereira.

Joe Bertolo

Frère du mafieux et syndicaliste Johnny Bertolo assassiné en 2005, il est impliqué dans Carboneutre. Son frère a présenté à Jocelyn Dupuis les mafieux Raynald Desjardins, Tony Volpato et Tony Suzuki. M. Bertolo a représenté Construction FTM qui a obtenu un prêt de 5 millions $ de la SOLIM en 2006 pour un projet de décontamination de terrains dans le quartier Saint-Pierre à Lachine. Le projet est au nombre des « dossiers toxiques » dont le Fonds est soudainement pressé de se débarrasser en 2009, selon une écoute du 25 mars entre son PDG Yvon Bolduc et celui de la SOLIM, Guy Gionet.

Ronald Beaulieu

« Je perdrai pas mon chum Ronald Beaulieu, je suis un gars de parole » - Jocelyn Dupuis s’adresse à Michel Arsenault, le 20 avril 2009

Relié aux Hells Angels de Sherbrooke et ami de Jocelyn Dupuis. Il a bénéficié de son aide pour obtenir du financement du Fonds pour construire un centre commercial à Port-Cartier et acheter Pascal. Le duo échouera à obtenir un nouveau coup de pouce du Fonds pour Pascal, qui fera faillite. M. Dupuis a avoué qu’il entendait y travailler quand il aura pris sa retraite du monde syndical. M. Dupuis a aussi admis avoir parlé à Guy Gionet de la SOLIM pour un projet lié au bar de danseuses 10-35 de M. Beaulieu.

Un reportage d’Enquête avait enfin montré que M. Beaulieu avait servi d’intermédiaire, en 2004, entre un promoteur en quête de financement du Fonds et MM. Lavallée et Dupuis, contre promesse d’une commission de 500 000 $ au sympathisant Hells. L’affaire finalement tombera. M. Beaulieu a été condamné en 2004 pour prêt usuraire.

Jacques « Israël » Émond

« J'ai fait ce qu'ils m'avaient demandé, je me suis retiré pis j'ai voté pour ton gars » - Dominique Bérubé à Jacques « Israël » Émond, au lendemain des élections de 2008 à la FTQ-Construction

Membre des Hells Angels de Sherbrooke. Il avait écopé d’une peine de deux ans en 2004 pour gangstérisme et complot pour trafic de stupéfiants. Arrêté par la suite lors de l’opération SharQc, il a plaidé coupable de complot pour meurtre en 2012 et écopé d’une peine de 13 ans. Il a contribué à la victoire de Richard Goyette, dauphin de Jocelyn Dupuis, dans la course à la direction de la FTQ-Construction en 2008.

Normand « Casper » Ouimet

« Bon bin moé, mèque je parte d'icitte, là, j'm'en vas là pis j'm'en vas te voir, j'vas t'appeler mèque j'arrive là, OK? Appelle moé pis j'vas te voir pas de problème » – échange entre MM. Ouimet et Dupuis, 4 novembre 2008

Membre du chapitre de Trois-Rivières des Hells Angels, il a été arrêté en novembre 2010 dans le cadre de l’opération SharQc et fait face à des accusations de meurtres et de complots pour meurtres. Il est aussi accusé de complot, de blanchiment d’argent et de gangstérisme dans le cadre du projet Diligence, mené pour contrer l’infiltration de l’industrie de la maçonnerie par le crime organisé. Il est en attente de ses procès.

Des écoutes portent à croire qu’il avait avec Jocelyn Dupuis des liens plus étroits que ce dernier veut bien l’admettre.

Denis Vincent

« Si tu ne fais pas ce que je dis, il n'y en aura pas, de projet. C'est moi qui "runne" chez SOLIM  » - Laurent Gaudreau rapporte les propos de Denis Vincent

Individu considéré par la police comme proche des Hells Angels. Des écoutes de 2009 ont démontré sa grande proximité avec Guy Gionet, Jean Lavallée et Tony Accurso.

L’enquêteur Michel Comeau a souligné que dans plusieurs dossiers de la SOLIM, M. Lavallée paraît désigner M. Vincent comme « courtier fantôme » auprès d’entrepreneurs.

Il a été le partenaire de Laurent Gaudreau dans le défunt projet TIPI qui a bénéficié d’un investissement de 3 millions $ de la SOLIM. Selon Enquête, M. Vincent aurait tenté d’extorquer 250 000 $ à M. Gaudreau. M. Vincent était impliqué dans d’autres projets de la SOLIM grâce à ses relations privilégiées avec MM. Gionet et Lavallée, dont celui de Place Telus à Québec, jusqu’à ce que le Fonds décide, au printemps 2009, de se débarrasser des « dossiers toxiques », pour reprendre les mots de son PDG Yvon Bolduc.

Crédits

Information colligée par Bernard Leduc, le 28 novembre 2013

Anne-Marie Duguay : Illustration de données pour la télévision

Bernard Leduc : chef de pupitre, commission Charbonneau

Chistian Thivierge : Rédacteur en chef

Daniel Herrera : Conception et intégration

Florent Daudens : Journaliste

Luc Lavigne : Intégrateur

Melanie Julien : Chef de pupitre

Marie-Eve Maheu : Réseaux sociaux

Martine Roy : Gestionnaire de projet